RAPPELS ANATOMIQUES ET PHYSIOLOGIQUES : Les bases de l'entraînement reposent sur la connaissance des sources de l'énergie musculaire.

 

Le muscle est constitué par un ensemble de fibres musculaires, délimitées et orientées par du tissu conjonctif. Chaque fibre musculaire est constituée d'unités répétitives microscopiques. L'unité répétitive, le sarcomère, mesure environ 20µ de long. Il est constitué principalement de myofilaments de myosine, d'actine, de tropomyosine et de troponine. Ce sont des protéines contractiles dont la fonction est contrôlée par le système nerveux, par l'intermédiaire de médiateurs .neurochimiques d'ions Ca et Mg. Ces protéines contractiles, pendant leur travail, trouvent leur énergie dans l'ATP, qu'elles dégradent en ADP, par action enzymatique. (DE GRIALAMI et al., 1980).

Pendant la contraction musculaire, 1'ATP doit être reconstitué.

Il est reconstitué, soit par action du phosphate sur l'ADP, soit à partir de la phosphocréatine selon la réaction phosphocréatine + ADP > créatine + ATP. Pour que ces réactions se produisent, il faut de l'énergie, apportée par la dégradation des stocks de substrats présents dans l'organisme : les hydrates de carbone sous forme de glycogène, les acides gras sous forme de triglycérides, les protéines métabolisées selon des processus complexes (ANSALONI, 1981).

 

Cet apport d'énergie est assuré par trois processus principaux qui se succèdent au cours d'un effort musculaire.

Tout d'abord, les premières secondes de l'exercice sont assurées par la dégradation des réserves de phosphocréatine (phosphocréatine + ADP > créatine + ATP). La capacité de ce processus est limitée, car les réserves de phosphocréatine sont très faibles.

 

La baisse musculaire d'ATP, l'apparition d'ADP et d'AMP ont la propriété de déclencher les autres processus. (ANSALONI, 1981). La glycolyse anaérobie prend le relais : le glycogène se dégrade en libérant des unités à six carbones, qui fournissent chacune deux molécules de pyruvate, deux molécules d'hydrogène, et de l'énergie. En anaérobiose, les deux molécules d'hydrogène se combinent aux deux pyruvates pour former de l'acide lactique. Cet acide, en s'accumulant va diminuer le PH musculaire.

A ce moment, l'arrivée d'oxygène en quantité suffisante permet la mise en route des processus aérobiques : la glycolyse aérobie et la dégradation des acides gras. L'oxydation des acides gras et la dégradation du glycogène en pyruvate fournissent de l'acétyl-coenzyme A qui fait démarrer le cycle aérobique de Krebs. Ce processus s'effectue dans les mitochondries, (MARTIN-SISTERON et al., 1981), uniquement en présence d'oxygène et aboutit à la formation de gaz carbonique, d'eau et d'énergie en grande quantité. L'efficience de ce processus par rapport aux autres est très grande: il consomme peu de substrats et produit des déchets facilement assimilables. Le muscle utilise non plus ses propres réserves, mais les réserves corporelles de glycogène et d'acides gras.


Par coloration artificielle, on peut identifier avec certitude quatre types de fibres musculaires squelettiques, les types I, IIa, IIb et IIc. Les fibres de type I sont des fibres rouges, capables d'action soutenue, riches en enzymes oxydatifs. Les fibres IIb sont des fibres blanches, à équipement enzymatique, appartenant surtout à la glycolyse anaérobie; elles sont capables d'action soudaine et rapide. Les fibres IIa et IIc sont des intermédiaires. (DE GRIALAMI et al., 1980 - MUYLLE, 1983 - STRAUB et al., 1981).

L'entraînement et la génétique peuvent changer la proportion de ces fibres dans les muscles. (STRAUB et al., 1981).

Plus la distance à parcourir est courte, plus la part des processus anaérobies dans l'apport d'énergie est prépondérante, et vice versa. (ANSALONI, 1981). Le même auteur rapporte que chez l'homme, la part des processus aérobies ne dépasse 50% que pour des exercices d'une durée supérieure à cinq minutes. Chez le cheval, au début d'un travail intensif, ce sont d'abord les fibres de type IIb qui entrent en action. La glycogénolyse atteint son maximum en trente secondes. Par après, l'intervention des fibres lentes devient de plus en plus importante. Pour un travail de moins de cinq minutes, le fuel musculaire consiste uniquement dans le glycogène intracellulaire; ensuite, les cellules musculaires utilisent les substrats véhiculés par le sang.


Au début d'un travail, il se crée toujours une dette en oxygène, ceci parce que le déroulement des différentes étapes du cycle oxydatif nécessite un certain temps. S'il n'y a pas de facteurs limitatifs dans le cycle, il s'installe une situation de steady state. Si, au contraire, le cycle ne tourne pas normalement, la dette en oxygène va augmenter et stimuler le métabolisme anaérobique avec épuisement rapide des réserves et production d'une acidose lactique, acidose qui provoquera une dégénérescence musculaire.

       


APPLICATIONS A LA CONDUITE DE L'ENTRAINEMENT (ANSALONI, 1981)

 

L'idéal serait de pouvoir entraîner spécifiquement chaque source d'énergie. Les sprinters, qui doivent surtout compter sur les processus anaérobiques pour leur approvisionnement en énergie, seront entraînés différemment des stayers qui eux, sont surtout dépendants des processus oxydatifs.

 

Du point de vue énergétique, l'athlète idéal est celui qui dispose d'une puissance et d'une capacité anaérobiques importantes associées à une consommation maximale d'oxygène élevée. Ces deux types de qualités se trouvent rarement développées chez le même sujet. De toute manière, l'expérience montre qu'une compétition importante ne sera bien supportée que si l'entraînement a porté sur tous les aspects du métabolisme.

 

Au début d'un programme,. on utilisera l'entraînement dit "d'endurance". Tout d'abord, l'endurance intégrale, de longue durée et de faible intensité, a pour but d'améliorer la filière énergétique de• l'oxygène : la capacité respiratoire sera augmentée, la fonction cardiaque sera améliorée. Ce genre d'exercice sera exécuté par les débutants, ou comme échauffement ou comme séance de récupération après un travail de forte intensité chez les athlètes entraînés.

 

Ensuite,afin d'augmenter les capacités du métabolisme anaérobique, on passera à l'endurance maximale (durée moins longue, forte intensité), et à l'endurance par alternance d'allure. L'entraînement en endurance représente la qualité de base de tout entraînement et doit précéder 1' entraînement spécifique.

 

Pour établir un programme d'entraînement spécifique, il est nécessaire de déterminer la filière métabolique prédominante. Il faut veiller à augmenter progressivement la difficulté de l'exercice au fur et à mesure que la condition physique du sujet s'améliore.

 

La préparation à l'effort spécifique utilise trois variables : le volume ou quantité de travail, la récupération entre séries d'exercices, l'intensité du travail.

L'intensité, la distance d'entraînement et le temps de récupération dépendent de la filière que l'on souhaite privilégier.

 

L'entraînement par intervalle permet de contrôler la spécificité de la préparation à l'effort. Il consiste à exécuter une série de tranches d'exercices séparées par des périodes de retour au calme qui évitent l'épuisement et l'accumulation des produits de fatigue.

 

L'entraînement du métabolisme anaérobique alactique (ATP -phospocréatine) se fait par des exercices de vitesse : courte durée (4 - 8 secondes), vitesse maximale, avec des temps de repos complet, de cinq à vingt minutes, suffisamment longs pour éviter l'apparition d'acide lactique.

 

L'entraînement du métabolisme anaérobique lactique se fera par des courses à une intensité de 90 à 95% du maximum, durant vingt secondes à deux minutes. Chaque série d'exercices comptera trois à quatre répétitions, entrecoupées par des périodes de récupération active de quelques minutes qui inhiberont partiellement la restauration de l'ATP, tout en permettant la métabolisation de l'acide lactique produit.

 

Pour stimuler la filière de l'oxygène, on préconise des exercices de plus longue durée, d'intensité moindre, avec des périodes de repos complet entre séries d'exercices.

Au cours d'une séance d'entraînement, on combinera le nombre de répétitions et de séries dans chaque zone d'effort, proportionnellement à la part qu'on attribue dans l'entraînement de la filière correspondante. Il faut augmenter graduellement la difficulté des séances en élevant l'intensité des périodes de travail, en diminuant la durée des périodes de repos, en ajoutant des séries. Il faut aussi adapter l'entraînement à la saison de compétition et ne pas oublier l'échauffement avant toute séance.

 

PARAMETRES PERMETTANT D'ETABLIR LA FORME DU CHEVAL

 

Les critères permettant l'objectivation de la condition physique sont représentés par des paramètres physiologiques, hématologiques, biochimiques et enzymatiques.

 

Les paramètres physiologiques sont les mesures testant les fonctions cardiaque et respiratoire. Les chevaux en forme présentent une fréquence cardiaque et respiratoire d'effort réduite et un retour plus rapide aux valeurs de repos.

 

Les paramètres hématologiques usuels sont la numérotation globulaire, l'hématocrite, la concentration en hémoglobine, la vitesse de sédimentation des globules et la numérotation lencocytaire.

Selon MUYLLE (1983), le nombre de globules rouges et la quantité d'hémoglobine dans un échantillon n'a aucune valeur : la rate peut accumuler jusqu'à 60% de globules qui sont libérés dans le sang sous l'influence de l'adrénaline. Cependant, on peut penser que ces taux peuvent être comparés si les prélèvements sont effectués dans des conditions similaires. SZARSKA (1981) note que le taux d'hémoglobine augmente légèrement chez un cheval entraîné. Le nombre de leucocytes diminue légèrement.

L'hématocrite est un paramètre important : il permet de juger de l'état d'hydratation et de la quantité d'éléments figurés du sang. Si l'hématocrite est trop bas, il faudra suspecter des carences en éléments constitutifs du sang; s'il est trop haut, il faudra penser à un état de déshydratation. Des carences diminuent évidemment toujours l'état de forme d'un cheval. Un état de déshydratation aura comme conséquence essentielle une augmentation de la viscosité sanguine qui, au niveau musculaire, entraînera une perfusion tissulaire anormale et, donc, l'apport d'oxygène pourra être déficient.

SZARSKA (1981) relève la diminution de taux de sédimentation des globules (diminution de 80% environ) comme élément significatif du degré de bonne condition d'un cheval. Selon lui, la persistance d'un taux de sédimentation bas pendant l'entraînement indiquerait une augmentation de la résistance à l'acide des globules, ce qui est un avantage pour l'adaptation à un effort physique. Une augmentation brutale de ce taux pourrait être la preuve d'une perte de condition ou d'un surmenage.

Les paramètres biochimiques permettant de juger de la forme d'un cheval sont ceux qui sont significatifs d'un métabolisme énergétique accentué : le glucose, les lipides, le lactate et le pyruvate.

Les expériences de SZARSKA (1981) sur les chevaux de pur-sang à l'entraînement montrent une diminution de la glycémie de 10 à 20% et une augmentation des lipides totaux. La diminution de la glycémie est attribuable à une augmentation de l'utilisation du glucose, l'augmentation de la lipémie, observée en même temps, est une manifestation d'une diminution de l'utilisation de ces lipides, mais aussi témoigne d'une augmentation de leur mobilisation, Le même auteur suggère que       ces variations sont seulement une adaptation à un certain type d'entraînement, et ne peuvent être interprétées formellement dans l'appréciation du degré d'entraînement d'un athlète. Les acides gras interviennent surtout dans les efforts musculaires de longue durée. Ceci est confirmé par STRAUB et al., (1981), qui ont pu mettre en évidence une augmentation de l'activité enzymatique de l'oxydation des acides gras par les fibres musculaires du cheval entraîné et par HUGUET et al., (1981), qui notent chez des chevaux participant à des épreuves d'endurance que l'élément essentiel de leur métabolisme énergétique est l'oxydation des AGL libérés par lipolyse. Des modifications hormonales des chevaux d'endurance vont d'ailleurs dans ce sens : on note une augmentation du glucagon et une diminution de l'insuline.

Les taux de pyruvate et de lactate évoluent parallèlement au cours de l'entraînement. Au début, une légère augmentation des taux indique une période d'adaptation à l'entraînement, ensuite, après les premiers mois, les taux chutent d'environ 50%.

De plus, on note une légère augmentation de la réserve alcaline. Ces résultats montrent qu'un organisme entraîné peut oxyder plus rapidement l'acide lactique, et même, peut supporter une relative augmentation de l'acidose.

Les mesures des activités enzymatiques ont leur importance. Les enzymes sériques les plus spécifiques du muscle sont la créatine phospkinase(CPK) et la lactate déshydrogénase (LDH). La CPK peut être séparée en trois bandes par migration électrophorétique : la bande MM, spécifique du muscle, la bande MB, spécifique du muscle cardiaque, et la bande BB, spécifique du tissu nerveux (JOHNSON et al., 1981).

La quantité de CPK qu'on peut trouver dans le sérum est constante. Elle s'élève seulement après un effort violent ou de longue durée.

Pour le dosage de la bande MM, on peut seulement distinguer les chevaux ayant déjà eu des problèmes musculaires des chevaux neufs.. Les chevaux "à problèmes" ont des pourcentages de cette bande MM beaucoup plus élevés.

La mesure de la LDH peut donner une idée plus précise du degré d'entraînement. La LDH est une enzyme appartenant au système glycolytique anaérobique. La LDH est structuralement un tétramère de deux subunités : H (type coeur) et M (type muscle), qui peut êtré trouvé dans les cinq combinaisons suivantes : bande 1 (M4), bande 2 (M3 HI), bande 3 (M2 H2), bande 4 (MI H3), bande 5 (H4). Les activités des bandes 1 et 2 augmentent dans les maladies des muscles et les traumatismes, la bande 5 augmente en réponse des maladies du cœur.

La LDH augmente chez un organisme entraîné : un cheval entraîné est capable d'oxyder plus rapidement l'acide lactique.

Enfin, une technique plus récente pourra peut-être trouver des applications précieuses : la morphométrie mesure au microscope électronique le volume des organites cellulaires. Tous les types de fibres se trouvent confondus si l'on considère leur volume mitochondrial (à l'exception des fibres IIb). La mitochondrie est l'organite spécialement responsable de la consommation d'oxygène dans le métabolisme cellulaire. Les résultats de l'entraînement sont étonnants : le volume mitochondrial des fibres musculaires s'accroît de plus de la moitié des valeurs initiales.

L'ensemble de ces critères peut permettre de se faire une idée plus précise du degré d'entraînement d'un cheval. Il est évident qu'un cheval bien entraîné est plus apte aux efforts et moins enclin aux problèmes musculaires et tendineux.

 

 

Dr Bernard Stoffel