Dangers de la consanguinité et nécessité de préservation des lignées mâles en race pur-sang.

Ce sujet a été présenté lors de la récente assemblée générale de la EFTBA (European Federation of Thoroughbreds breeders Associations) : la Fédération Européenne des associations d’éleveurs de Pur-sang anglais.

La consanguinité -préoccupation de nombreux éleveurs- est la proportion des gènes portés par les chromosomes héritée à l'identique des deux parents. 

Situation de la consanguinité dans la race de Pur-sang La race du pur-sang anglais a une faible diversité génétique par rapport à la plupart des autres races de chevaux, vu les faibles effectifs de sa population et une tendance à l'augmentation de la consanguinité en élevage. Cette tendance dans la population mondiale de pur-sang a été signalée au cours des dernières décennies, et il est peu probable qu'elle s'arrête en raison des pratiques d'élevage actuelles.

97% des pedigrees des chevaux inclus dans une étude récente comportent l’ancêtre paternel, Northern Dancer (1961) et 35% et 55% contiennent Saddler's Wells (1981) et Danehill (1986), respectivement en Europe et en Océanie.

La consanguinité peut exposer à des mutations nocives : Cela entraîne une « charge mutationnelle » dans les populations qui peut avoir un impact négatif sur la viabilité de la population. En Amérique du Nord, une large étude a démontré qu'une consanguinité plus élevée est associée à une diminution du nombre de course par cheval, un critère très quantifiable, et ces résultats indiquent une corrélation avec la diminution de la résistance physique des chevaux.

Il est intéressant - et inquiétant - de considérer que bon nombre des maladies génétiques limitant les performances et la résistance chez les pur-sang n'ont généralement pas d'impact négatif sur l'aptitude à la reproduction. Certaines maladies, avec des composants héréditaires connus, sont très (trop) bien contrôlées par la chirurgie (OCD, pathologies du larynx), la gestion nutritionnelle et physique (troubles musculaires) et la médication (épistaxis, ulcères gastriques). Malheureusement cela augmente le risque de diffusion de gènes nocifs dans la population, car les individus ainsi traités se retrouvent à l’élevage et sont susceptibles de transmettre leurs faiblesses à leurs rejetons, qui eux-mêmes les dissémineront.

Types de consanguinités

 Bien entendu, le studbook étant fermé depuis trois siècles tous les pur-sang ont un certain pourcentage de consanguinité. Et toutes les consanguinités ne sont pas mauvaises. Les éleveurs ont sélectionné des traits bénéfiques au fil des générations, ce qui a favorisé certains caractères car ils contiennent probablement des gènes bénéfiques pour la course.

La consanguinité historique (résultant de doublons de pedigrees éloignés) se traduit par de courtes séquences d'ADN héritées à l'identique du père et de la mère. Cela peut être considéré comme une « bonne » consanguinité. Elle n'a aucun effet négatif sur la course et peut être porteuse de mutations bénéfiques qui ont été maintenues par des ancêtres éloignés grâce à la sélection des éleveurs.

La consanguinité récente (résultant de doublons de pedigrees proches) se traduit par de longues étendues d'ADN héritées à l'identique du père et de la mère. Cela peut être considéré comme une « mauvaise » consanguinité et elle est négativement associé à la course et à la résistance physique. Elle peut être porteuse de mutations nocives qui n'ont pas encore été « purgées » de la population. Or cette consanguinité récente est en forte augmentation.

Evidemment, en termes de croisements, on peut toujours trouver des exemples et des contre-exemples d’individus remarquables mais la science de la génétique se base sur des statistiques et non sur des cas individuels.

Lignées d’étalons

L'analyse du chromosome mâle Y est le moyen le mieux établi pour reconstituer l'histoire familiale paternelle chez les humains comme les espèces animales. Le chromosome Y hérité paternellement affiche l'histoire génétique de la population des mâles.

Malheureusement, le pool génétique mâle est restreint chez le pur-sang anglais, avec seulement trois lignées paternelles restantes. Le Stud Book officiel montre que les lignées paternelles pur-sang remontent à trois étalons fondateurs qui ont été importés en Angleterre à la fin du 17ème siècle.

L'héritage des lignées paternelles pur-sang peut être mieux compris en utilisant les nouvelles informations sur le chromosome Y. Il est désormais possible de distinguer clairement les sous-lignées de Darley Arabian, née en 1700, de Godolphin Arabian, né en 1724 et du troisième fondateur, Byerley Turk, né en 1680. Il existe maintenant 10 types et sous types de chromosomes Y différents connus chez le pur-sang : 2 viennent de Godolphin Arabian, 5 viennent de Byerley Turk et 3 viennent de Darley Arabian.

Même si l'analyse génétique montre aussi qu'il y a eu une erreur dans l'enregistrement du livre généalogique de la filiation de St Simon et que les chevaux descendant de St Simon doivent être attribués à la lignée Byerley Turk, probablement plus de 90% des étalons actuels sont de la lignée mâle Darley Arabian. Il existe donc un risque réel que nous puissions perdre bientôt une grande partie de la diversité du chromosome Y. Or la race du pur-sang s’est construite sur les interactions entre ces trois lignées.

Conclusions et solutions :

En tant qu’éleveurs passionnés de la race pur-sang, nous devons tous faire notre possible pour assurer qu'elle est gérée de manière durable pour les générations futures, avec l'objectif d'élevage de produire des chevaux de course viables, et si possible des champions. Les autorités d’élevage internationales étudient la situation et réfléchissent à des mesures générales permettant la pérennité de la race.

Mais que peuvent faire les éleveurs, individuellement, pour produire des poulains attractifs et préservés des menaces génétiques ? Comment écarter le risque d'élever des chevaux moins aptes à la course ? Il n’y a pas de recette miracle et chaque éleveur a légitimement ses préférences

Un critère de plus en plus important pour le choix d’un étalon ou d’une jument est sa résistance physique et sa vitalité, ainsi que celles de sa famille. Il est souvent préférable d’éviter d’utiliser comme reproducteurs des sujets qui ont présenté des faiblesses constitutives, ou qui semblent en transmettre.

Le recours à des étalons de lignées mâles différentes peut permettre de sublimer une souche et de mieux gérer les générations suivantes. L’étude des pedigrees doit dépasser les 3 générations des pages de catalogues....

A l’avenir la génomique, la science qui étudie l'ensemble du matériel génétique d'un individu ou d'une espèce, encodé dans son ADN, pourra certainement fournir des outils prédictifs aux éleveurs. C’est sans nul doute une piste à suivre.

On oppose souvent les pedigrees commerciaux de « poulains parfaits pour les ventes », aux pedigrees de poulains « faits d’abord pour être des chevaux de courses » .... Et si la vérité était au milieu ?

 

Remerciements au Prof. Emmeline hill pour son aide précieuse !