Dr Bernard Stoffel, ©2004 : Evolution de l’alimentation équine
Les chevaux ont évolué, comme toutes les espèces animales, dans des zones du monde qui leurs permettent en même temps d’échapper à leurs prédateurs et de trouver l’alimentation qui satisfasse leurs besoins nutritionnels.
Initialement, le système digestif du cheval est conçu pour élaborer et absorber des éléments nutritifs, à partir d’apports riches en cellulose et pauvres en aliments énergétiques. Dans l’environnement naturel de l’espèce (Asie mineure, steppes du Sud de la Russie et de la Mongolie) qui est le berceau de l’espèce, les herbages et pâturages clairsemés assurent des apports alimentaires quotidiens assez faibles.
Compte tenu de la quantité et de la diversité des aliments nécessaires pour en extraire les nutriments indispensables à sa survie, le cheval a été doté d’un tractus digestif unique.
Sa longue mâchoire puissante peut pulvériser des écorces, graines et autres éléments végétaux fibreux : c’est la première étape du processus digestif. Ces incisives et molaires continuent à pousser tout au long de sa vie pour résister à l’effet abrasif des aliments. Un cheval en pâture peut effectuer environ 60.000 mouvements de mastication, alors qu’un cheval à l’écurie ne fera que 1.000 mouvements pour broyer 1 kg de grains.
Le cheval est un monogastrique : un des éléments les plus remarquables de l’estomac est sa petite taille, comparée au volume de l’animal ; sa capacité oscille entre 5 et 15 L en fonction de l’individu et des repas.
L’intestin grêle est très développé : sa longueur est de 16 à 24 mètres et son diamètre de 2 à 5 cm. Il comprend trois parties : le duodénum qui rattache l'intestin grêle à l'estomac, il mesure environ 1.50m, le jéjunum qui mesure environ 15 mètres et l'iléum qui mesure environ 2 mètres et se rattache au caecum. L’essentiel des mécanismes d’absorption y a lieu.
Le cheval tire parti également des produits de la fermentation – dans les conditions du pâturage, environ 30% des besoins énergétiques quotidiens du cheval sont couverts par la combustion des produits de la fermentation bactérienne-, qui est initiée principalement dans le caecum, un réservoir de 30 cm de diamètre, d'une capacité de 30 à 40 litres et d'1m.20 de long environ. Le caecum est placé dans le flanc droit, après l’intestin grêle et avant les différentes parties du colon. Le gros colon est formé de quatre anses est d’une longueur de 3.50 mètres environ, de 20 à 25 cm de diamètre, il représente environ un volume de 90 litres. C'est la partie la plus volumineuse du système digestif. Enfin le colon flottant débouche dans le rectum, il fait 3 mètres de long, a un diamètre d'environ 8 cm et représente un volume d'environ 20 litres.
Le cheval est un animal des plaines, toujours en mouvement : il peut parcourir plus de 60 km par jour pour se nourrir, conséquemment son système digestif est adapté à être efficient dans des conditions de déplacements permanents et non à des stations immobiles en boxes.
La morphologie anatomique même de ses organes digestifs prédispose le cheval à des troubles.
De plus les conditions de vie et d’alimentation de nos chevaux actuels –particulièrement des chevaux à l’entraînement-, sont bien éloignées du biotope naturel de l’espèce et demande une adaptation certaine.
Pour ces raisons, le cheval est très dépendant de son soigneur……
Grands principes de l’alimentation équine :
Le cheval doit trouver dans son alimentation les constituants et l’énergie nécessaires au développement de sa taille et à la pratique de son activité.
Il faut donc :
- Bien connaître les différents types d'aliments pour les utiliser au mieux.
- Adapter l’alimentation à l'activité du cheval.
- Complémenter pour couvrir les besoins spécifiques individuels.
Pour estimer l’apport d’une ration, on utilise plusieurs indicateurs :
1) la valeur énergétique (en UF) : Cette mesure permet d’estimer la valeur énergétique d’un aliment par rapport à un produit de référence. L’UF est la valeur énergétique d’un kilo d’orge de référence (1 828 kcal).
2) La matière azotée digestible (MAD) : Indispensable car elle entre dans la composition des tissus et dans l’élaboration de toutes les productions (croissance, lait, viande, travail). Les besoins azotés sont couverts par les apports d’acides aminés, résultats de la digestion des protéines.
3) Encombrement de la ration : Il faut tenir compte de la longueur et du volume du réservoir digestif des chevaux. Pour cela la ration doit comporter un minimum de lest nécessaire pour la régulation du transit. Il faut donc trouver un équilibre qui ne soit pas non plus nuisible à une activité sportive.
4) Equilibre de la ration : il est nécessaire de déterminer les proportions et les quantités des constituants de la ration qui assurent le meilleur entretien et les plus hautes performances de l’animal. On doit évaluer les apports en énergie, matière azotée, minéraux et vitamines.
Objectivement le cheval devrait être re-classifié comme omnivore plutôt que comme herbivore. Dans leur milieu naturel les chevaux consomment divers aliments, comme des branches, des feuilles, des écorces, des herbacées, des racines, de la terre, des argiles et toutes les formes de vie qui dépendent de ces aliments : insectes à tous les stades de développement, champignons (saprophytes et parasites)…Les chevaux mangent donc des insectes (organes et coquilles), leurs œufs, différents types de bactéries, des enzymes et des champignons (adultes, spores, …). Ces sources d’aliments non-végétaux ne sont pas significatifs en termes de quantités (d’un point de vue « humain »), cependant le cheval ne doit pas être considéré uniquement comme un herbivore : par conséquent il n’est pas correct de restreindre son alimentation à des apports végétaux (encore moins quand les végétaux fournis ne proviennent que d’une seule espèce). Les études des zoologistes ont démontré que les animaux surveillaient leur propre santé et étaient capables de sélectionner les espèces végétales ou des argiles pour se prémunir ou se défendre contre les maladies. Le terme zoopharmacognosie qui désigne ce phénomène, a été reconnu assez récemment.
La supplémentation nutritionnelle.
Les régimes alimentaires couramment utilisés pour l’entretien des chevaux, consistant en un nombre limité d’espèces végétales, peuvent induire certains troubles, par exemple des désordres gastro-intestinaux (coliques, diarrhée, fourbures, …), des troubles ostéo-articulaires (OCD, kystes osseux,..), des troubles respiratoires (pousse, …) ou des troubles cutanés d’origine allergique.
L’utilisation de certains aliments dont les conditions de fabrication ou de stockage ont induit l’oxydation peut également induire des problèmes.
La recherche en diététique animale a ouvert de nouvelles perspectives pour la prévention et l’aide au traitement de nombreuses maladies courantes. Il existe un lien évident entre la nutrition et beaucoup de troubles chroniques ou aigus. La “Science de la Nutrition” a évolué, passant de la prévention de carences vers l’apport de nutriments qui peuvent prévenir l’apparition de troubles cardio-vasculaires, de maladies d’origine allergique et de troubles plus spécifiques comme la fourbure, les désordres gastro-intestinaux, l’ostéo-arthrite, l’ostéonchondrose et les maladies respiratoires.
La Nutrition a été définie comme la somme des processus participant à la consommation, l’absorption et l’utilisation des nutriments.
La médecine nutritionnelle est définie par la très sérieuse « British Society of Nutritional Medicine » comme « l’étude des interactions des facteurs nutritionnels avec la biochimie, la physiologie et l’anatomie, et de la manière dont la connaissance de ces interactions peut être utilisée dans la modulation de la structure et des fonctions vitales, pour la prévention et le traitement des maladies, ainsi que pour l’amélioration du bien-être » : tout un programme….
Les Nutriments sont les substrats biologiques des processus métaboliques. Qu’ils soient impliqués dans des processus de synthèse ou utilisés tels quels, ils sont présents dans l’organisme normalement. Leur absorption, métabolisme, et excrétion répondent à des mécanismes physiologiques bien établis. Les médicaments, par contraste, sont des substances étrangères et ne sont normalement pas présents dans le corps : leur absorption, leur métabolisme et leur excrétion sont réalisées par des mécanismes de détoxification prévus pour des «xénobiotiques », c’est-à-dire des molécules étrangères.
La supplémentation nutritionnelle répond à quatre exigences :
- Les aliments industriels (ou non) ne contiennent souvent les ingrédients “ essentiels ” qu’en (très) faibles quantités ; comme telle une alimentation “ normale ” ne signifie pas nécessairement une alimentation “ optimale ”.
- Les besoins en nutriments essentiels varient individuellement et dépendent de critères environnementaux, génétiques, physiologiques et autres. Ce qui est bon pour l’un ne l’est pas forcément pour un autre.
- Des nutriments spécifiques comme les pro-vitamines, les vitamines, oligo-éléments, minéraux, acides-aminés et leurs précurseurs, mais aussi des molécules plus complexes comme des extraits végétaux, des antioxydants, argiles, MSM, probiotiques, glycosaminoglycanes (glucosamine et chondroïtine), acides-gras insaturés,….etc…fournissent à l’organisme les substrats capables d’influencer les processus de développement de la maladie ou de la croissance.
- Dans la Nature, le cheval a la possibilité de sélectionner les éléments qu’il ingère, en fonction de ses besoins spécifiques et des effets physiologiques de ces éléments. Le biotope naturel du cheval lui permet normalement de faire face aux pathologies courantes. Nos chevaux ne sont plus dans leur biotope naturel : soit ils séjournent dans des prairies ensemencées ou traitées, soit ils sont confinés au boxe.
Conclusion :
Cette approche de la Santé permet un autre regard et une meilleure compréhension des différents problèmes rencontrés pendant la vie d’un cheval.
On le voit : l’alimentation et la supplémentation nutritionnelle sont primordiales et ce, à tous les stades de la vie d’un cheval.
Avant la conception, la fertilité des parents est déjà dépendante de facteurs nutritionnels. Ensuite le développement du fœtus dans l’utérus maternel et la croissance du poulain sous la mère allaitante seront lies aux conditions d’entretien de la jument. La période qui suit le sevrage est critique et la surveillance nutritionnelle sera de la plus haute importance pour le devenir du yearling.
Pendant la vie adulte du cheval, et particulièrement pendant son utilisation en compétition, l’alimentation jouera encore un rôle déterminant pour atteindre un niveau optimal de confort et de performance. Ensuite le cycle recommence….
Dans les articles qui suivront, nous passerons en revue les différents éléments qui constituent les clés de la gestion nutritionnelle d’un cheval, en particulier d’un cheval de courses.